Le 15 janvier, la Fondation RAJA-Danièle Marcovici était invitée à assister à une soirée organisée par le Planning Familial en l’honneur du cinquantième anniversaire de la loi Veil. Cette soirée d’hommage était l'occasion de revenir sur un combat historique mené par plusieurs générations de militant.e.s afin de préserver les droits reproductifs des femmes.
Le Planning Familial a joué un rôle déterminant dans le processus de dépénalisation de l’avortement en France, notamment à travers son engagement en faveur de la loi Veil de 1975. Dès les années 1960, des actions de sensibilisation ont été menées afin d’alerter l’opinion publique sur les risques liés aux avortements clandestins. Le soutien apporté au Manifeste des 343 en 1971 et l’accompagnement des femmes – contraintes de se rendre à l’étranger – pour interrompre leur grossesse ont également contribué à faire évoluer le débat.
50 ans après l’adoption de la loi, de nombreux progrès sont enregistrés grâce à l’action de nombreux acteurs tels que le Planning Familial, le Mouvement de Libération des Femmes (MLF) ou encore le Mouvement pour la Liberté de l’Avortement et de la Contraception (MLAC).
Un combat historique en France
Tout au long de la soirée, les témoignages bouleversants de militantes se sont succédés afin de relater les différents temps fort qui ont marqué l’évolution des droits reproductifs des femmes en France, comme celui de Josy, une militante ayant rejoint le MLF et le MLAC d’Île de France dans les années 1970.
« [Lors des manifestations de rue,] le plaisir de se retrouver ensemble transformait ces moments difficiles en une force collective. » Josy
Le Mouvement pour la Liberté de l’Avortement et de la Contraception (MLAC) est une organisation militante créée en 1973. Elle rassemble des médecins, des féministes et des citoyen.ne.s engagé.e.s pour défendre le droit des femmes à disposer de leur corps.
D’autre part, avec les 350 comités répartis sur tout le territoire, les militant.e.s du MLAC devançaient les décisions gouvernementales en organisant des consultations pour les femmes souhaitant avorter.
Josy évoquait avec beaucoup d’émotion les trajets hebdomadaires organisés par le MLAC vers les Pays-Bas et la Belgique, où l’avortement était autorisé et où elle et les autres membres pouvaient aider plus d’une en les accompagnants dans leur démarche abortive.
« Ce moment magique où je pouvais dire à une femme ‘Soyez tranquille, vous pourrez avorter’ reste gravé en moi. » Josy
Josy tenant le micro aux cotés de sa collègue membre du MLAC.
Une autre intervenante, active dans le MLAC de Valenciennes, a ensuite pris la parole pour décrire les efforts incessants fournis par l’organisation pour ouvrir des centres d’IVG en France. D’après elle, dans les années 1970, le MLAC formait des militantes à pratiquer des avortements, souvent sans aucune formation médicale préalable et dans un contexte où le soutien des institutions était inexistant.
« Nous passions énormément de temps avec les femmes, à les écouter et à les soutenir, car ce combat était aussi humain qu’il était politique. » Militante du MLAC
Josy et cette militante du MLAC ont surtout souligné durant leur témoignage l’importance de la méthode Karman. Une technique sécurisée et accessible à toutes femmes, permettant de pratiquer des avortements. Les deux femmes ont exprimé le souhait que cette méthode soit réappropriée pour « redonner aux femmes le contrôle sur leur destin. »
Un engagement pour les droits reproductifs des femmes se poursuit très souvent au prix de nombreux sacrifices. En effet, les deux partisanes du MLAC ont avoué avoir subi de nombreuses attaques (des domiciles vandalisés, des menaces et une pression constante). Malgré tout, elles ont continué à se battre, allant jusqu’à organiser des sit-in dans des hôpitaux de France pour y exiger l’ouverture de centres d’avortement.
Un regard sur l’Italie
Giorgia Alazraki, militante italienne et vice-présidente de l’association LAIGA, a offert un éclairage édifiant sur la situation actuelle en Italie, où l’accès à l’avortement demeure un défi.
La LAIGA est une organisation qui met en réseau des gynécologues et propose un numéro vert pour orienter les femmes vers des solutions adaptées, parfois hors du pays, comme en France ou en Belgique.
En Italie, la loi sur la protection de la maternité garantit théoriquement le droit à l’avortement, mais en pratique, de nombreux obstacles subsistent. En moyenne, 60 % des professionnels de santé invoquent la clause de conscience (en principe uniquement réservée aux médecins) telle que prévue par la loi, pour refuser de pratiquer des IVG. Cette proportion atteint même les 90 % dans certaines îles italiennes, rendant l’accès à l’avortement presque impossible pour les femmes locales.
Les délais d’attente sont aussi particulièrement longs, allant de trois à quatre semaines, ce qui pousse de nombreuses femmes à dépasser le délai légal pour une IVG médicamenteuse. Ainsi, seuls 3 % des avortements réalisés en Italie relèvent d’IVG médicale, la majorité de ces actes procède de la méthode du curetage.
Giorgia a également dénoncé les disparités existantes entre certaines régions italiennes, où l’application de la loi nationale varie fortement. La militante a toutefois souligné quelques avancées récentes, comme dans deux régions où l’avortement médicamenteux est désormais accessible de manière autonome grâce à la pilule abortive (Latium et Émilie-Romagne).
Malgré ces défis, Giorgia Alazraki a exprimé son admiration pour le modèle français du Planning Familial, qu’elle considère comme une source d’inspiration dans la lutte pour les droits reproductifs.
« En Italie, les droits sexuels et reproductifs restent subordonnés à des obligations culturelles et institutionnelles. Il est essentiel de continuer à nous battre pour que les femmes puissent véritablement choisir leur destin. » Giorgia Alazraki,
Une cérémonie symbolique
Sarah Durocher, présidente du Planning Familial, a rappelé dans son discours l’importance de rester vigilant.e.s face aux menaces qui pèsent encore sur les droits reproductifs des femmes aujourd’hui.
« L’avortement est avant tout une grande liberté. Arrêtons de le considérer comme un drame. » Sarah Durocher
En participant à cet événement, la Fondation RAJA-Danièle Marcovici a réaffirmé son engagement pour l’égalité femmes-hommes et pour la défense des droits sexuels et reproductifs. Plus que jamais, il est crucial de soutenir les organisations qui, comme le Planning Familial, poursuivent le combat initié par des figures comme Simone Veil.
Ensemble, continuons de faire entendre la voix des femmes et de garantir leurs droits.