« Tout ça pour ça. Ce sont 20 ans de progrès, d’acquis pour les femmes afghanes qui partent en fumée du jour au lendemain »

15 septembre 2021

Depuis 2016, la Fondation soutient les projets de l’association Afghanistan Libre, qui œuvre en faveur de l’éducation des femmes et des filles afghanes. L’équipe de la Fondation a suivi de près la situation de l’association depuis que les Talibans, fondamentalistes islamistes regroupés dans une organisation militaire, politique et religieuse, ont repris le pouvoir dans le pays le 15 août 2021, après 20 ans de conflit, en s’emparant de la capitale, Kaboul. Les nouvelles mesures prises par les Talibans dans le but d'asseoir leur autorité sont particulièrement préoccupantes pour les droits des femmes.

La Fondation a pu interroger Louise Clément, directrice de l'association, sur les problématiques rencontrées par l’association et la situation en Afghanistan. Interview.

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Comment vous et vos équipes vous portez-vous ?

Nous sommes sous le choc et dévastées. Tout ça pour ça. Ce sont 20 ans de progrès, d’acquis pour les femmes afghanes qui partent en fumée du jour au lendemain et avec cette fois la complicité de la communauté internationale. Aucun mot ne peut décrire les moments terribles que nous et, surtout notre personnel afghan et toutes les jeunes filles et afghanes que nous avons soutenu, sommes en train de traverser.

 

Quel est l’état des lieux de la situation en Afghanistan à l’heure actuelle, notamment pour les femmes ?

La situation actuelle en Afghanistan est aussi catastrophique que ce à quoi nous pouvions nous attendre de la part des Talibans qui sont avant tout des terroristes qui gouvernent par la terreur. Il suffit de regarder la composition de leur nouveau gouvernement. Entièrement composé d’hommes Talibans et qui pour la plupart étaient sur les listes de sanctions des Nations Unies (dont 4 ont séjourné dans la prison américaine de Guantanamo et un est historiquement proche d’Al Qaïda). Et tout cela dans l’indifférence de la communauté internationale la plus totale.

Les femmes afghanes continuent à se battre pour leurs droits et sont les premières à descendre manifester dans les rues au péril de leurs vies. On nous rapporte que des femmes activistes se seraient fait exécutées par les Talibans à l’aide de méthodes barbares moyenâgeuses. Des journalistes se font tabasser et fouetter. La terreur règne.

Il est trop tôt pour décrire les impacts sur l’éducation des filles ou les droits économiques des femmes. Là où des rares écoles ont rouvert pour les filles (jusqu’à 11 ans) ou des universités privées, très peu de filles y sont retournées par peur. Les curriculums vont aussi changer. De toute façon, à l’heure actuelle, les femmes sont priées de rester chez elles le temps que le gouvernement Taliban « éduque leurs combattants à comment respecter une femme »… Tout est dit.

Les Talibans n’ont pas changé. Ce sont les mêmes dans leur interprétation et leur application extrême de la Charia. Les Afghanes viennent d’être emmurées vivantes.

 

A quels changements l’association doit-elle faire face depuis le début de la crise ? (Suspension des projets, rapatriement des équipes…)

Pour des raisons de sécurité, tous nos projets sont à l’arrêt depuis le 11 août dernier. En effet, le directeur d’une des écoles soutenues par Afghanistan Libre s’est fait enlever par les Talibans et taxer « d’agent d’Afghanistan Libre, une ONG anti-islam espionne du gouvernement français ». Il a pu s’enfuir mais Afghanistan Libre est désormais directement identifiée par les Talibans dans le district de Paghman. Nous avons tout tenté pendant deux semaines pour faire évacuer notre équipe (entièrement composée d’afghan.e.s) désormais à risque. Nous avons alerté le Centre de crise du MEAE mais n’avons jamais eu aucun retour. Aucun personnel d’Afghanistan Libre n’a réussi à quitter le pays.

 

Comment l’association va-t-elle s’organiser pour les mois à venir ?

La situation évolue de jours en jours et nous priorisons la sécurité de notre équipe. Pour l’instant, nous travaillons à répondre à des avances de salaire pour les défenseur.e.s des droits des femmes employé·e·s par Afghanistan Libre et les professeur.e.s de nos écoles qui ne peuvent plus travailler pour les raisons que vous connaissez. Ils doivent faire face à une inflation des prix sans précédent car l’aéroport et les routes sont bloquées et empêchent le transport des denrées alimentaires ;

Dans un second temps, dès que la situation sécuritaire nous le permettra, nous souhaitons venir en aide aux 500 000 personnes déplacées à Kaboul en provenance des provinces touchées par les combats, en majorité des femmes et des enfants entièrement laissés-pour-compte. L’équipe d’Afghanistan Libre s’était rendue dans un camp de la capitale le 13 août et avait évalué les besoins humanitaires urgents ;

Enfin, nous sommes déterminées à rester présents et répondre aux besoins vitaux des filles et des femmes afghanes dans la mesure de nos possibilités et dès que la situation le permettra. Nous réfléchissons à de nouveaux moyens d’actions qui pourront prendre la forme de cash based transfers à des femmes cheffe de famille qui ne peuvent plus subvenir à leurs besoins ou encore de programme de e-learning pour les jeunes filles.

 

Comment peut-on soutenir les actions de l’association ? (Niveau grand public et niveau fondations)

La seule manière aujourd’hui de nous aider est par le don ou/et par la sensibilisation. Mobilisez et sensibilisez votre communauté pour que l’intérêt pour la situation en Afghanistan et le combat pour les droits des femmes afghanes ne retombe pas malheureusement vite dans l’oubli…

 

POUR SOUTENIR L’ASSOCIATION AFGHANISTAN LIBRE, CLIQUEZ ICI

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