Lors d’une visite de terrain au siège de Talita à Stockholm, la fondation a pu interroger deux membres de l’association, Chuna, directrice de Talita Asie et Izabella, responsable du refuge Little Talita.
Comment l’association Talita a-t-elle été créée ? Quels sont ses objectifs ?
Talita a commencé à agir à la fin des années 90 à une époque où de nombreuses femmes étaient victimes de prostitution en Suède. A cette période, plusieurs programmes visant à accompagner les personnes victimes d’addictions (drogues, alcool) étaient mis en place par des acteurs divers. Néanmoins, les femmes victimes de prostitution ne disposaient pas de programmes spécifiquement adaptés à leurs besoins alors que ces dernières étaient souvent victimes d’abus et de violences. Aucun acteur ne se chargeait d’écouter leurs histoires et de leur venir en aide.
Le projet Bus lancé en 1998 consistait à aller à la rencontre de ces femmes à Stockholm afin de dialoguer avec elles et de leur distribuer des vêtements et de la nourriture. C’est en 2004 que Talita a officiellement été lancé afin de mettre en place un programme de réinsertion sociale à destination des femmes victimes de traite.
En 2012, la Villa Talita a été ouverte : ce logement protégé est temporairement mis à la disposition des victimes afin de permettre leur insertion sociale et professionnelle. Leurs besoins sont variés et le processus peut être long : trouver un emploi, bénéficier d’une psychothérapie post-traumatique, de leçons d’éducation sexuelle, d’aide juridictionnelle…
Talita est aujourd’hui également implantée au Kenya, aux Philippines, en Roumanie et en Mongolie.
Comment décririez-vous l’approche de Talita ?
L’approche de Talita peut être résumée de la manière suivante :
« Essayer de voir chaque femme comme un individu à part entière. »
L’association se constitue comme un soutien pérenne pour ces femmes. Elle cherche à s’adapter aux besoins de chacune et de proposer des solutions adaptées.
En général, les bénéficiaires restent un an dans la Villa Talita, « safe place » dans laquelle elles sont en sécurité Elles occupent ensuite un appartement de transition pour une année supplémentaire. Dans ce logement, elles sont libres de travailler, d’étudier, etc. Au début du programme, beaucoup d’entre elles sont au chômage et doivent se réadapter à la société suédoise. Avoir un emploi leur permet par la suite de devenir indépendantes financièrement.
L’association Talita a bénéficié de l’opération podomètre organisée par la Fondation RAJA-Danièle Marcovici en 2022. Quel type de soutien avez-vous reçu de la part de la Fondation et qu’est-ce que cela a permis à Talita de faire ?
Talita bénéficie du soutien financier d’acteurs multiples et notamment de la Fondation RAJA-Danièle Marcovici. La somme perçue dans le cadre de l’opération podomètre a permis de développer des actions répondant aux besoins des femmes. Par exemple, certaines d’entre elles accompagnées par l’association manquaient de moyens pour scolariser leurs enfants restés dans leur pays d’origine.
Quel est le profil de vos bénéficiaires ? A combien de femmes venez-vous en aide ?
Talita est en contact avec près de 300 femmes victimes de traite. Ces dernières sont souvent originaires d’autres pays. 65 sont directement concernées par le programme de réhabilitation.
En général, la police et les travailleurs sociaux repèrent les femmes victimes de traite dans les hôtels et les orientent vers l’association.
Quels sont les projets sur lesquels Talita travaille actuellement ? Quand ils sont mis en place dans d’autres pays, comment sont-ils adaptés ?
Talita cherche à dupliquer son programme d’aide sur le long terme à destination des femmes victimes de traite. Dans les autres pays, elle s’adapte aux différents besoins et vient en aide à des profils de bénéficiaires variés.
En Mongolie, entre 2014 et 2017, Talita est venue en aide aux femmes avec enfants. A partir de 2017, elle a accompagné des femmes mineures. La prostitution est interdite dans ce pays et constituait à l’époque un tabou. Aujourd’hui, la situation a évolué : la police locale accepte par exemple d’entendre les témoignages des victimes de prostitution et d’abus.
En Roumanie, Talita travaille auprès des femmes avec enfants. Une maison leur est spécialement allouée : les mères bénéficient de conseils pour l’éducation de leurs enfants ainsi que des enseignements pratiques pour la vie quotidienne. Dans ce pays, la traite humaine est souvent ouvertement dénoncé alors que la prostitution et les abus qui en découlent sont invisibilisés. La loi nationale interdit l’exercice de la prostitution et l’achat de services sexuels, mais les contraventions pèsent davantage sur les femmes
Aux Philippines, elle vient en aide aux garçons à la rue.
Au Kenya, elle a mis en place deux refuges : l’un pour les femmes victimes de prostitution et l’autre pour celles qui ont des enfants.
Afin de faire évoluer les mentalités et les lois, Talita coopère également avec CAP International et mène un plaidoyer auprès des gouvernements et des instances politiques.
Talita Sweden accompagne les femmes victimes de traite humaine. Cette association suédoise a été lauréate de l’opération podomètre 2022 organisée par la Fondation RAJA-Danièle Marcovici et par le Groupe RAJA à l’occasion du 25 novembre. Par la prévention, la sensibilisation et un programme de réinsertion, Talita lutte activement contre les violences faites aux femmes et aux filles en Europe, en Afrique et en Asie.