« On nous appelait beurettes » : 3 questions à Bouchera Azzouz

25 septembre 2019

Le 24 septembre 2019, l’équipe de la Fondation RAJA-Danièle Marcovici accueillait Bouchera Azzouz, réalisatrice, cofondatrice de l’association « les Ateliers du Féminisme Populaire » et membre du Comité Exécutif de la Fondation, dans le cadre d’un ciné-débat autour de son documentaire « On nous appelait beurettes ». De nombreuses collaboratrices et collaborateurs RAJA France sont venu.e.s assister à la projection et échanger avec la réalisatrice. A cette occasion, Bouchera AZZOUZ a bien voulu répondre à quelques questions.

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3 questions à… Bouchera Azzouz

 

 

Le titre de votre dernier film est « On nous appelait beurettes ». Pourquoi avez-vous eu envie de parler de ces femmes, à travers le cinéma ?

J’ai posé un postulat qui est en réalité un constat : les femmes ou plutôt leur dynamique émancipatrice est un puissant levier de transformation des quartiers. C’est une réalité très peu décrite, parce que la société dans toutes ces strates est dominée par les hommes. Ça n’est que par la volonté des femmes à prendre leur place partout que la société a commencé à changer. La représentation des femmes dans les médias, par exemple, reste encore très minoritaire. Là aussi, c’est sous l’impulsion des femmes que les choses commencent timidement à changer. Alors imaginez ce qu’il en est de la représentation des femmes issues des quartiers populaires et d’avantage encore de l’immigration !

« On nous appelait beurettes »  est le second volet d’une série de 3 documentaires* qui racontent l’histoire de nos quartiers au féminin, avec un prisme très particulier, celui de l’immigration maghrébine, dont je suis issue. Les « beurettes », terminologie que nous avons rejetée massivement, est le nom par lequel nous avons désigné toute cette jeunesse maghrébine, née en France après la guerre d’Algérie. Nous avons dû batailler à la fois contre le racisme qui gangrénait la société, et imposer à nos familles de dépasser le carcan traditionnel et culturel. Si nos vies ont été jalonnées de combats difficiles, nous avons remporté des batailles pour faire reculer le racisme et les discriminations, qui restent toujours des sujets d’actualité. En réalité, ce que nous avons tenté de faire, c’est sortir la société et nos parents des rapports coloniaux, et de passer à des rapports égalitaires. Pour nous les filles, ce fut certainement bien plus complexe que pour nos frères. Comment trouver le juste équilibre, entre respect des traditions familiales et désir de liberté ? C’est de cette question épineuse que traite ce film.

* « Nos mères, nos daronnes » (2014), « On nous appelait beurettes » (2018), le 3eme volet est en cours de réalisation. 

 

Pouvez-vous nous en dire plus sur l’association que vous avez co-fondée, les Ateliers du Féminisme Populaire, et sur la notion de féminisme populaire qui vous est chère ?

Le féminisme populaire, c’est pour moi un féminisme empirique qui s’appuie sur une expérience de vie, et une observation de « l’être femme » quand on cumule plusieurs contraintes. J’ai toujours eu conscience, parce que je le vivais, qu’être une femme était un obstacle, et plus encore une femme issue des quartiers, mais aussi des classes populaires, pour ne pas dire pauvre. Être issue de l’immigration, d’une famille nombreuse et monoparentale, c’était une épreuve ! Et une épreuve de tous les jours et partout. Très jeune on apprend à être une « solutionneuse » de problèmes. Au fil des années, j’ai objectivé cette expérience dans une pensée plus globale, celle du « féminisme populaire », un féminisme du quotidien, un féminisme ancré dans la réalité sociale, indissociable de la question socio-économique, et de la lutte contre toutes les inégalités. Un féminisme conscient de l’intersectionnalité, mais qui inscrit sa lutte dans une perspective rigoureusement républicaine. Plus encore le féminisme populaire est selon moi la matrice d’un renouveau politique pour refonder le pacte social et républicain et construire une République à la fois sociale, écologique et émancipatrice.

 

Vous avez récemment intégré le Comité Exécutif de la Fondation RAJA-Danièle Marcovici. Pourquoi est-ce important pour vous de vous y investir ?

Je suis très admirative de la société RAJA. D’abord car elle a été fondée par deux femmes, Rachel et Jeanine, qui ont fusionné à la fois leurs prénoms et leur talent. Cette belle histoire a continué avec sa transmission à la fille de Rachel, Danièle Marcovici, qui marche sur les pas de sa mère et qui prend la relève. Une société au féminin qui ne pouvait que conduire à aider d’autres femmes partout dans le monde, à sortir de la précarité, de la pauvreté. Un engagement qui permet de soutenir des associations qui œuvrent pour donner accès à l’autonomie à de nombreuses femmes.

Ce fut un grand honneur d’intégrer le Comité Exécutif et d’avoir ainsi l’opportunité de participer à soutenir toutes ces initiatives. Cela n’a fait que renforcer mon admiration pour Danièle Marcovici, car même ici en France, les entreprises dirigées par des femmes sont peu nombreuses, particulièrement les entreprises familiales fondées par des femmes. C’est important pour moi que mes choix restent en cohérence avec les valeurs que je défends, tout en ayant le sentiment de faire avancer d’autres femmes.

 

Bibliographie :

Fille de daronne et fière de l’être, Bouchera Azzouz, éditions Plon (2016)

Les femmes au secours de la République, de l’Europe et de la planète, Bouchera Azzouz, Corinne Lepage, éditions Max Milo (2015)

 

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