Le rapport de la CIIVISE : mettre un terme aux violences sexuelles faites aux enfants

8 décembre 2023

La Commission Indépendante sur l'Inceste et les Violences sexuelles faites aux Enfants (CIIVISE), créée le 11 mars 2021 suite à l'annonce présidentielle du 23 janvier 2021, a pour mission de connaître et de faire connaître l'ampleur des violences subies par les enfants et de formuler des recommandations pour y remédier. Sous la responsabilité du Juge Edouard Durand, juge des enfants, et de Nathalie Mathieu, directrice générale de l’association Docteurs Bru pour la présider, la CIIVISE a rendu son rapport final le 20 novembre dernier et ses conclusions sont alarmantes. Intitulé "Violences sexuelles faites aux enfants : on vous croit", ce rapport livre 82 préconisations pour remédier en urgence à cette situation.

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L’état des lieux des violences sexuelles faites aux enfants : une réponse urgente face à un phénomène massif et tabou

L’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants sont loin d’être un phénomène isolé. Il touche indifféremment et de manière massive tous les milieux sociaux et culturels :

  • 10% de la population française a été victime d’inceste.
  • 160 000 enfants sont victimes de violences sexuelles, soit 3 par classe.

En plus des attouchements et viols, l’enfant victime est victime d’abus de la part du parent agresseur : manipulation, menaces, minimisation de ses actes. La stratégie de ce dernier consiste à cloître l’enfant dans le silence et inverser la culpabilité. Il arrive aussi fréquemment que l’enfant révèle ce qu’il lui est arrivé mais ne soit pas cru :

  • Quand les victimes parlent de ce qui leur arrive, dans 75% des cas, les enfants se confient à leur mère, dans 19% des cas à leur frère/sœur et 15% des cas à leur père.
  • Dans 1% des cas, il y a des preuves ou un témoin des situations d’inceste. Les 99% restants, c’est la parole de l’enfant contre celle de l’adulte.

Les conséquences des violences sexuelles sur l’enfant victime sont extrêmement graves. L’enfant a alors plus de risques de connaître d’autres violences au cours de sa vie ou de devenir lui-même un agresseur. Il peut souffrir de séquelles psychologiques et physiques qui deviendront chroniques si elles ne sont pas prises en charge à temps et de manière adaptée :

  • Il faut compter en moyenne 10 à 13 ans pour que les victimes d’inceste soient prises en charge de manière spécialisée.
  • 79% des professionnels de santé ne font pas le lien entre les psycho traumatismes et les violences subies.
  • Les médecins effectuent seulement 5% des signalements par peur des sanctions du Conseil de l’Ordre.

Néanmoins, si un enfant victime ne parvient pas à dénoncer ce qu’il subit, des signes peuvent annoncer les traumatismes qu’il endure. Ce dernier peut avoir un comportement anormal à l’école (être distrait, être violent avec ses camarades, etc.) ou à la maison (s’arracher les cheveux, faire des insomnies, cesser de s’alimenter). Certains signes ne doivent absolument pas être ignorés et requièrent une interrogation de la part des adultes :

  • 83% des enfants violés sont des filles. Dans 67% des cas, l’acte incestueux entraîne une grossesse. 2/3 du temps, cette grossesse conduit à une IVG.

Les enfants en situation de handicap sont beaucoup plus susceptibles d’être victimes de violences sexuelles. Beaucoup rencontrent des difficultés à effectuer des tâches du quotidien : toilette intime, habillage etc. Ils sont donc habitués à ce que leur corps soit manipulé par des soignants ou encore des éducateurs. Il va donc être plus complexe pour eux de repérer ce qui relève de l’ordre de l’intrusion et de l’abus et sont en cela plus vulnérables que les autres enfants.

 

Focus sur quelques préconisations de la CIIVISE

Pour une détection et une prise en charge précoce des victimes d’inceste : 

  • Faire connaître l’impact des violences sur les victimes ainsi que la nécessité des soins : atteintes neurologiques, mortalité précoce (AVC, maladie chronique), altération de la santé mentale (trouble anxieux, suicide, dépression).
  • Mettre en place pour chaque bassin de 100 000 habitants un centre d’information, de soin et d’accueil pour les victimes de psycho traumatismes.
  • Porter une attention toute particulière aux enfants en situation de handicap.
  • Informer massivement la société sur  l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants.

 

Pour une formation des professionnels qui sont au contact des victimes :

  • Prendre en compte les effets des psycho-traumatismes qui peuvent altérer la clarté des témoignages des victimes lors du dépôt de plainte au commissariat.
  • Former systématiquement les médecins au repérage des violences.
  • Mettre en place le questionnement systématique en cas de doute : « Quelqu’un est-il méchant avec toi ? « , « Subis-tu des violences ? », par exemple en cas d’une IVG pour une mineure, en cas de dents cassées, de bleus sur le corps etc.
  • Améliorer la qualité du recueil de la parole de l’enfant, améliorer les expertises médico-légales, l’enquête et le jugement.
  • Préparer l’enfant à l’audience, rendre prévisible les différentes étapes et les personnes avec qui il sera en contact, éviter les confrontations.
  • Mettre un terme aux théories non-scientifiques qui influencent les jugements des professionnels (complexe d’Œdipe, aliénation parentale etc.).

 

Pour une protection effective des victimes et des personnes qui ont signalé les cas d’inceste : 

  • Mettre en sûreté la victime : la CIIVISE propose la création d’un équivalent de l’ordonnance de protection qui ne contrevient pas au principe de présomption d’innocence et qui empêche que l’enfant soit laissé chez le parent agresseur.
  • Protéger la personne qui a signalé l’inceste :  par exemple, protéger le médecin de toute procédure disciplinaire de la part du Conseil de l’Ordre.
  • Protéger les mères qui ont signalé des cas d’inceste.

Découvrez l’intégralité du rapport 

Découvrez la synthèse du rapport

Une interview d’un membre de la CIIVISE paraîtra prochainement sur le site de la Fondation 

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