Le Numérique : un enjeu pour l’émancipation des femmes

2 mai 2016

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3 QUESTIONS À BENOÎT GÉNUINI

Benoît Génuini est Président de l’association Passerelles numériques. Au Vietnam, au Cambodge et aux Philippines, Passerelles numériques propose à des jeunes issus de milieux ruraux ou peri-urbains défavorisés une formation professionnelle de deux ans dans le secteur informatique, en pleine croissance. Alors que les filles sont peu nombreuses à accéder à des études supérieures, et encore moins dans le secteur très masculin du numérique, elles représentent 50 % des jeunes formés par l’association. La Fondation RAJA-Danièle Marcovici soutient la formation des jeunes filles au Cambodge.

A QUELLES INÉGALITÉS LES FILLES ET LES FEMMES FONT-ELLES FACE DANS LE DOMAINE DU NUMÉRIQUE ?

Il existe tout d’abord une inégalité entre les hommes et les femmes dans l’accès aux outils numériques. Elle est surtout liée au fait qu’il y a plus de filles et de femmes qui vivent dans l’extrême pauvreté. En zones rurales isolées, sur les décharges ou dans les bidonvilles, elles n’ont pas accès aux ressources sanitaires de base, ni au numérique.
Cependant, ce phénomène recule du fait de la propagation rapide des outils numériques. La révolution du numérique est également en marche dans les pays en développement !

J’ai été marqué, il y a quatre ans, par une visite dans un bidonville autour de Cébu aux Philippines. En parcourant les dédales du bidonville, j’ai été intrigué par un drap sale suspendu à des Une femme et un ordinateur portablecrochets, éclairé par une lumière bleutée. En m’approchant, j’ai vu que cette lumière venait d’un écran : un jeune garçon, pieds nus, était sur Facebook ! J’ai compris concrètement à quel point les évolutions numériques pouvaient être accessibles aux plus exclus…

Concernant l’accès aux métiers du numérique, on constate également une réelle discrimination envers les filles et les femmes, principalement pour des raisons culturelles. Dans beaucoup de pays, la place de la femme reste plus traditionnelle, ou bien les stéréotypes empêchent les femmes de se projeter dans ce type de métiers. Au Cambodge par exemple, 80 % des employés de l’industrie textile sont des femmes. Cette sous-représentation dans le numérique est aussi valable dans les pays plus développés : en France, seulement 9% des startups sont dirigées par des femmes* !

COMMENT FAVORISER L’ACCÈS DES FEMMES AUX MÉTIERS DU NUMÉRIQUE ?

Une classe de filles équipées d'ordinateurs portablesUne des premières conditions est qu’il faut que les filles aient accès à une éducation ! Or, dans les pays en développement, l’éducation des garçons est encore privilégiée. Alors qu’il y a 20 ans, 189 pays signaient la déclaration de Pékin en faveur de l’autonomisation des femmes et de l’égalité des sexes, aujourd’hui, les filles font toujours face à plus de difficultés que les garçons pour accéder à une éducation de base, et surtout à une éducation supérieure.

D’autres freins culturels doivent être levés. Par exemple, les familles, en milieu rural, ont peur de laisser partir les filles à la ville, condition pourtant nécessaire pour continuer leurs études, notamment dans ce secteur ! Elles perçoivent la ville comme un lieu d’insécurité, et se méfient des trafics d’êtres humains, dont sont trop souvent victimes les jeunes filles. Chez Passerelles numériques, nous travaillons avec les familles et les communautés pour qu’elles acceptent que leurs filles partent à la ville pour leurs études. Nous sommes aujourd’hui reconnus localement et les familles sont rassurées par la sécurité, la gratuité et la qualité de la formation que nous leur proposons.

Enfin, il faut des institutions publiques et privées qui permettent d’accueillir les filles, grâce à des infrastructures adaptées comme des internats qui leur sont dédiés, et à des démarches proactives en leur direction… Alors que les filles restent en général minoritaires dans les formations aux métiers du numérique (administrateur systèmes réseaux, programmateur web,…) Passerelles numériques a choisi d’intégrer à ses formations au minimum 50 % de filles pour qu’elles aient autant de chances que les garçons, et par conséquent de créer dès le départ une structure qui leur propose un accompagnement spécifique et adapté.

QUELLES SERAIENT LES CONSÉQUENCES D’UNE MEILLEURE REPRÉSENTATION DES FEMMES DANS LE SECTEUR NUMÉRIQUE ?

Groupe de filles ayant reçu un diplomeBeaucoup d’études parlent du « Girl Effect » : faciliter l’accès aux études des filles n’est pas seulement un devoir moral : cela a un impact socio-économique positif, sur le PIB, sur la justice sociale… !

Le domaine du numérique est particulièrement intéressant parce qu’il est accessible à toutes et tous : il repose surtout sur les compétences, et il n’y a pas d’énorme investissement à faire pour y accéder. Ce secteur très porteur offre de nombreuses possibilités d’emploi, et les femmes ont autant d’atouts que les hommes pour exercer ces métiers. Il est donc fondamental de leur en favoriser l’accès !

*Insee

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