Interview de Solène Ducrétot : comprendre l’écoféminisme

2 octobre 2023

Solène Ducrétot est une journaliste, co-créatrice de l’ancien collectif écoféministe Les Engraineuses, et co-fondatrice du collectif écoféministe Les Volonterres. Elle publie avec Alice Jehan en 2020 : Après la pluie – comprendre l’écoféminisme en 60 témoignages militants : sororité, justice sociale et climatique, leadership, spiritualité, écologie, société du care, décolonisation, sorcière, poésie (Tana Editions).

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  • Pourquoi est-il important de lier féminisme et écologie ?

Pour répondre à cette question, je vais citer une expression qui revient fréquemment quand on parle d’écoféminisme : « Qui voudrait la part égale d’un gâteau cancérigène ? », c’est-à-dire, à quoi bon sauver la planète si dans ce processus nous mettons une fois de plus de côté la moitié de la population mondiale et vice-versa, pourquoi se battre pour l’égalité si la planète ne peut plus être vivable à cause du changement climatique et de la pollution ?

 

  • Un exemple de militante écoféministe ?

Wangari Muta Maathai est une femme kenyane qui s’est battue pour les droits de la forêt dans les années 80. Elle s’est à l’époque rendu compte que le président de son pays vendait illégalement les forêts de sa région à des industriels pour notamment construire des raquettes de tennis. Cette exploitation a bouleversé l’écosystème de la biodiversité et l’écosystème social de son territoire : l’été, la forêt pompe l’eau du sol et freine la désertification et pendant la mousson, elle régule le système d’écoulement des eaux. L’arrivée des industriels a provoqué la mort des arbres. Les petits agriculteurs n’ont plus été en capacité de subvenir à leurs besoins car l’agriculture n’était plus viable du fait des inondations et sécheresses. Les maris ont dû quitter femme et enfants pour chercher du travail en ville, les laissant à la proie de la violence des mercenaires.

Pour remédier à cette situation, Wangari Muta Maathai a mobilisé les femmes de cette région pour sauver les arbres en s’y enchaînant. Les autorités locales ont tenté des les arrêter par la violence, en assenant leurs corps de coups. Cet épisode a jeté sur leur combat un coup de projecteur médiatique international, ce qui a permis de lever des fonds afin de mener une campagne de reforestation de cette région. Wangari Muta Maathai a ensuite mobilisé les femmes une seconde fois pour replanter les arbres. En quelque temps, l’écosystème et la biodiversité ont été restaurés et les maris ont été en mesure de revenir au village afin de remettre en place les cultures locales.

 

  • Pourquoi l’écoféminisme est-il d’actualité ?

Si on observe aujourd’hui une réémergence de l’écoféminisme en Europe, c’est notamment parce que la COP21 en 2015 a permis de faire monter en connaissance et compétences les Français sur les questions écologiques. Par la suite, les vagues #Metoo et #Balancetonporc ont révélé au grand jour les sujets féministes. Maintenant, les gens sont familiarisés avec ces questions ce qui permet de mieux envisager la co-construction de projets autour de ces deux thématiques, de façon imbriquée.

 

  • Des conseils pour s’engager ou apprendre ?

Pour les personnes qui souhaitent s’engager et/ou en apprendre plus sur l’écoféminisme, de nombreux podcasts existent sur le sujet. Avec les Engraineuses, il y a des années, nous avons sorti l’ouvrage Après la pluie, horizons écoféministes qui expose les différentes branches de l’écoféminisme.

Il est également possible de s’engager par des petits gestes du quotidien même si ça ne change pas la phase du monde. Cela permet d’avoir un point de départ et de voir vers quoi on souhaite s’engager : par exemple, par l’achat de produits issus du commerce équitable, permettant aux femmes des pays du Sud d’être justement rémunérées et aux enfants originaires de ces régions d’aller à l’école.

Pour aller plus loin, il est aussi possible de rejoindre des collectifs, des festivals, d’intégrer les sphères de décision ou encore de créer des projets en intrapreneuriat.

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