L’association Terres en Mêlées est la première Coalition d’associations africaines et française engagée dans l’éducation au développement par le rugby. Mireille Sels, présidente et Pierre Gony, fondateur et directeur nous parlent ici de leur association et des nombreux projets qu’elle met en place sur les terrains africains.
Mireille Sels : Depuis sa création en 2011, Terres en Mêlées œuvre dans le champ du sport pour le développement. Notre mission consiste à utiliser le rugby dans ses dimensions fédératrices, éducatives et inclusives pour répondre à des problématiques sociales auxquelles les communautés locales sont confrontées. Dans cette optique, nous avons conçu une approche pédagogique innovante : l’éducation au développement par le rugby (EDR). Au croisement du sport, de l’éducation et du développement durable, cette approche est déployée en Afrique de l’Ouest, en Afrique du Nord et à Madagascar autour des thématiques de l’égalité des genres, de la promotion de la paix et de la préservation de l’environnement. Ce développement a donné naissance à des associations Terres en Mêlées indépendantes, au Togo, au Burkina Faso et à Madagascar qui se sont approprié et développent à leur tour l’éducation au développement par le rugby. En 2021, ce partenariat et les liens tissés avec ces équipes locales ont débouché sur la création de la Coalition Terres en Mêlées.
Cette évolution structurelle a amené Terres en Mêlées France à re-préciser son positionnement et recentrer son activité autour de trois grandes axes :
– développement et coordination des projets EDR à visée sociale en Afrique et dans l’Océan Indien
– évolution de l’éducation au développement par le rugby et conception des programmes de formation associés
– renforcement de capacités des membres de la Coalition Terres en Mêlées à des fins d’autonomie.
© Terres en Mêlées
Mireille Sels : Les projets portés par Terres en Mêlées à Madagascar et au Maroc sont construits autour de l’égalité des genres. En s’ouvrant aux femmes, le rugby, traditionnellement perçu comme un sport masculin, offre des opportunités uniques pour promouvoir l’égalité des genres. En encourageant la participation des filles, et en leur offrant un environnement où elles peuvent pleinement s’épanouir et se réaliser, le rugby œuvre à la déconstruction des stéréotypes de genre. Les joueuses de rugby deviennent alors des modèles inspirants favorisant ainsi l’évolution des mentalités. L’observation des comportements des jeunes bénéficiaires de nos projets à Madagascar en particulier met en évidence plusieurs changements significatifs au niveau des relations filles/garçons ; certains préjugés sont déconstruits et laissent place à la volonté de mieux vivre ensemble. De plus, lorsqu’elles réussissent, elles deviennent des modèles pour les jeunes filles de leur communauté, ce qui influence considérablement leur avenir en renforçant leur confiance en elles et leur capacité à s’épanouir pleinement.
Pierre Gony : La particularité de Terres en Mêlées est d’intervenir en milieu scolaire et d’utiliser le rugby comme un outil d’éducation en faveur de l’égalité des genres dès le plus jeune âge. Nos projets sont portés en partenariat avec les ministères de l’éducation nationale qui nous permettent de proposer des formations EDR aux professeurs d’EPS, aux enseignants et plus largement auprès de la communauté éducative. Cela leur permet ensuite d’utiliser la pédagogie EDR lors des cycles éducatifs qui sont proposés auprès des enfants.
Pierre Gony : Ils apprennent à se respecter, à vivre ensemble, à combattre ensemble, à tomber, à se relever. Toutes ces compétences et valeurs acquises grâce à la pratique régulière du rugby éducatif sont facilement transposables dans leur vie quotidienne. Les valeurs transmises par leurs enseignants en temps scolaire sont des valeurs qui permettent à ces jeunes d’être plus actifs, plus engagés dans leur vie de tous les jours et auprès de leur communauté. Il y a donc ce transfert qui s’opère à travers les projets portés par Terres en Mêlées qui incitent les jeunes à devenir des acteurs de leur vie et à s’engager en faveur de l’égalité des genres au sein de leurs communautés.
© Terres en Mêlées
Mireille Sels : Il ne s’agit pas seulement des filles, mais de tous les jeunes. L’objectif est de les accompagner dans leur émancipation et leur développement personnel jusqu’à l’âge adulte, en leur permettant de développer une estime de soi solide. Actuellement, nous venons de lancer un ambitieux projet à Madagascar intitulé Ampi’zay (qui veut dire « ça suffit »). Il est cofinancé par l’Agence française de Développement, la Fondation RAJA Danièle Marcovici et la Fondation Société Générale. Ce projet vise à contribuer à la réduction des violences basées sur le genre dans les collèges de trois régions de la Grande Île. Dans ce cadre, nous travaillons également auprès des garçons pour qu’ils changent leur perception, leur comportement et leur attitude vis-à-vis des jeunes filles.
© Terres en Mêlées
Pierre Gony: Nous avons fait le constat que nous devions davantage prendre en compte l’environnement autour des jeunes que nous accompagnons. L’approche du projet Ampi’zay ne se limite donc pas seulement aux jeunes filles et garçons en milieu scolaire, mais englobe également une dimension familiale et communautaire. Il s’agit de sensibiliser les familles à l’identification des violences basées sur le genre, afin que tout l’écosystème entourant les jeunes soit sensibilisé et s’engage. Pour espérer avoir un impact significatif, il est essentiel d’adopter une approche holistique qui prend en compte tous ces paramètres. Ce projet nous donne l’occasion de promouvoir la vision selon laquelle tous les acteurs
doivent se mobiliser pour atteindre l’objectif d’égalité des genres par le sport, car le plus difficile reste à faire. Aujourd’hui, il y a une impulsion, un mouvement qui démarre, mais la véritable épreuve se joue sur les terrains. Il reste énormément à accomplir, le défi est immense et nécessitera des efforts considérables. Pour obtenir un impact réel et des résultats tangibles, il est crucial de mettre en place une étude d’impact sur le long terme et de fédérer acteurs associatifs, institutionnels, fédéraux, les bailleurs et les ministères afin que tous s’engagent à contribuer à la réduction des violences basées sur le genre. C’est ainsi que nous pourrons espérer obtenir des résultats tangibles dans les prochaines années.
Pierre Gony : L’ensemble des acteurs engagés dans l’éducation par le sport attendent avec impatience cet évènement. C’est une vitrine pour notre pays et la culture française. Cela renforce aussi la diplomatie par le sport et accroît le rayonnement de la France à l’international. Cette volonté se concrétise à travers un programme nommé Ambassade Terre de Jeux. Dans ce cadre-là, les associations de la Coalition Terres en Mêlées sont mobilisées depuis plusieurs mois en partenariat avec les services culturels des ambassades de France pour co-organiser des conférences, des tables rondes, pour sensibiliser au sport par le développement et inciter les acteurs de la société civile à s’engager dans ce secteur qui commence à être doté financièrement au travers des appels à projet. Nous espérons que les Jeux Olympiques favorisent l’émergence de nouveaux projets, de nouvelles dynamiques entre les acteurs de terrain et l’industrie du sport et que cela ne va pas seulement se cantonner à la médiatisation des athlètes de haut niveau. À cette occasion, le 12 avril, nous serons à l’Institut français de Madagascar pour partager avec le public, notre volonté de faire des JO un coup d’accélérateur du sport au service du développement en particulier l’égalité des genres et le bien-vivre ensemble.