FEMMES ET BIO : 3 questions à Stéphanie Pageot

4 juin 2019

A l’occasion de la Semaine Européenne du Développement Durable, Danièle Kapel-Marcovici, Présidente-Directrice Générale du Groupe RAJA et Présidente de la Fondation RAJA-Danièle Marcovici, a remis 2 prix « Coup de cœur Femmes & Environnement ».

La Fédération Nationale d’Agriculture Biologique est l’une des deux associations lauréates. Nous avons interrogé Stéphanie Pageot, agricultrice biologique et administratrice de la Fédération, sur la place des femmes dans l’agriculture biologique en France.

Partager










Envoyer

3 QUESTIONS À STEPHANIE PAGEOT

 

Stéphanie Pageot est agricultrice biologique et administratrice de la Fédération Nationale d’Agriculture Biologique (FNAB). Seule organisation représentative des agricultrice.eur.s bio de France, la FNAB défend une alternative agricole et alimentaire respectueuse des femmes, des hommes et de l’environnement.
La Fondation RAJA-Danièle Marcovici soutient l’initiative « Femmes et Bio » menée par la FNAB pour la formation et l’accompagnement des femmes dans leur projet d’installation en agriculture biologique.

Comment est né le projet « Femmes et Bio » ?

Lorsque j’étais présidente de la FNAB entre 2013 et 2018, j’ai été très surprise par les soutiens des paysannes bio. Elles étaient contentes d’être représentées par une femme… mais elles ne sentaient pas capables de s’engager pour autant. En 2018, nous avons décidé de mener une enquête nationale pour savoir plus précisément qui étaient ces paysannes bio et ainsi les rendre plus visibles. Nous avons aussi cherché à comprendre pourquoi nous avions du mal à les avoir dans notre mouvement associatif. Un collectif de productrices et de producteurs s’est mobilisé et le projet « Femmes et Bio » est né.

Quels constats cette enquête vous a-t-elle permis de dresser sur l’agriculture en France, et en particulier sur la place des agricultrices ?

En France, sur les fermes familiales, les femmes sont souvent dans l’ombre de leur mari voire invisibles… parfois sans statut social reconnaissant leur implication et leur travail. En agriculture si vous ne savez pas conduire des gros engins agricoles et si vous ne travaillez pas dans les champs, vous n’avez guère la reconnaissance de vos pairs…

Pourtant les femmes occupent un rôle essentiel dans le fonctionnement des fermes familiales. Ce sont souvent elles qui s’occupent de la gestion administrative et de la comptabilité. Ce sont également les femmes qui développent la vente en circuit court, la diversification, les activités d’accueil ou de loisirs à la ferme, etc., tâches peu reconnues et valorisées mais essentielles dans la gestion d’une entreprise, la création de valeur ajoutée sur la ferme ou l’ouverture au reste de la société et de ses attentes ! Et puis, ce sont souvent les femmes qui sont à l’initiative du passage à l’agriculture biologique dans leur ferme !

Quels sont les principaux freins à l’installation des femmes en agriculture biologique ?

En France, de 1970 à 2010, la part des femmes cheffes d’entreprise agricole est passée de 8 % à 27 % et elles représentent aujourd’hui chaque année environ 1/3 des nouveaux installé.e.s. Elles rencontrent toutefois encore de nombreux freins, lors de leur installation (accès au foncier, au prêt bancaire…) mais aussi dans leur travail au quotidien et leurs engagements professionnels.

Les femmes manquent surtout de temps… c’est d’ailleurs le principal frein à l’exercice d’un mandat professionnel. Le manque de temps est inhérent à la profession agricole, mais notre étude a fait ressortir que 66% des agricultrices bio en couple assument totalement ou presque les tâches ménagères et domestiques ! Être femme, agricultrice, et prendre des responsabilités politiques, c’est accepter de laisser de côté son travail sur la ferme, le ménage, les lessives et les repas, sans culpabiliser en partant et sans craindre en rentrant d’avoir à rattraper le travail accumulé. Il est difficile d’assumer une telle charge, même si, en tant que femmes agricultrices, nous nous disons fortes et capables de tout gérer.

Pour faire bouger ces lignes, il va falloir passer par une prise de conscience collective de la situation et trouver des solutions pour que, demain, les paysannes n’aient plus une double journée qui les empêchent d’apporter leurs idées et leurs compétences au sein du monde agricole qui en a pourtant besoin pour se renouveler, progresser et répondre aux attentes sociétales. Il est évidemment naturel et plus facile de penser les biais d’analyse que de réinterroger nos rapports sociaux. C’est pourtant la responsabilité qui nous incombe collectivement.

L’enjeu est donc de taille. Plus nous serons nombreuses à nous investir, plus cela deviendra la norme sociale. Ce sujet est prioritaire pour le monde agricole, et l’agriculture biologique doit là encore être pionnière puisqu’au-delà d’un cahier des charges de production, notre projet est un projet de société.

Découvrez l’enquête complète en cliquant ici

Pour lire la synthèse de l’enquête en cliquant ici

Restez informé.e.s

Je m'abonne à la newsletter