Depuis 25 ans, l'association Caméléon œuvre pour aider et réhabiliter les petites filles victimes de violences sexuelles, à la fois aux Philippines et en France. Avec des programmes de sensibilisation et d'éducation, l'association vise non seulement à protéger ces jeunes, mais également à plaidoyer pour des changements sociétaux.
Laurence Ligier, fondatrice de CAMELEON, revient sur son engagement, sur l’histoire et les actions de l'association.
[Laurence Ligier] Après plusieurs missions aux Philippines dont une d’un an au cœur d’un bidonville d’Iloilo (région des Visayas, île de Panay), j’ai été confrontée à la violence du quotidien des enfants des rues. Face au constat de la situation locale et à la suite d’une demande des Philippins avec qui j’avais travaillé, j’ai créé l’association CAMELEON en 1997 afin de venir en aide aux petites et jeunes filles victimes de violences sexuelles. Dans un monde où ces violences sont insidieuses, banalisées, taboues et rarement punies, nourries par la culture du silence liée à l’ignorance, la peur, la honte ou le déni, il était urgent d’agir.
CAMELEON aspire à un monde sans violences sexuelles. Depuis plus de 25 ans, CAMELEON aide, protège et réhabilite des petites et jeunes filles victimes de violences sexuelles qui sont placées par les services sociaux philippins dans nos maisons d’accueil. CAMELEON réalise des actions de sensibilisation et de plaidoyer auprès des populations et autorités, tout en favorisant l’éducation des enfants et le développement socio-économique des communautés. Nous avons également développé des actions en France pour lutter contre les violences sexuelles faites aux enfants et notamment la cyberpédocriminalité. Notre mission s’articule autour de la sensibilisation du grand public, de la prévention des violences ainsi que du plaidoyer auprès des autorités publiques.
CAMELEON intervient avec un programme complet de lutte contre les violences sexuelles faites aux enfants, en agissant directement auprès des petites et jeunes filles victimes, de leurs familles, des communautés en partenariat avec les institutions locales ; ceci afin de combler les carences du gouvernement philippin dans la mise en œuvre de programmes de protection de l’enfance.
Le parcours permet de renforcer la reconstruction personnelle et la réintégration durable dans la société de jeunes filles victimes de violences sexuelles par une approche holistique et intégrée afin qu’elles deviennent des adultes autonomes, émancipées et responsables. Les filles bénéficient d’un accompagnement médical, psychologique, juridique, éducatif et participent à des activités thérapeutiques innovantes comme le cirque, la médiation par l’animal, la sonothérapie, etc.
Les constats restent alarmants au fil des années aux Philippines : un enfant sur 5 est victime de violences sexuelles et 70% sont des filles. La majorité des violences sont perpétrées par un proche appartenant à la sphère familiale. Une femme ou un enfant sont violés toutes les 52 minutes. Seulement 3% des filles victimes de violences sexuelles sont placées dans des établissements d’accueil et de soins. De plus, la majorité des victimes ne signale pas les violences aux autorités et/ou ne sont pas informées des recours judiciaires.
La précarité des structures existantes et des facteurs socio-culturels expliquent ces chiffres inquiétants : le contexte politique, l’augmentation de l’exploitation sexuelle des femmes et des enfants, notamment à travers le tourisme sexuel et la cyberpédocriminalité, le tabou autour de l’inceste dans une société catholique et sexiste (culture du silence et stigmatisation des victimes).
Des petites et jeunes filles victimes de violences sexuelles sont référées à CAMELEON par les services sociaux philippins (DSWD), principal organisme d’orientation. Elles sont âgées de 5 à 17 ans lors de l’admission en Maison d’Accueil, victimes de violences sexuelles et domiciliées dans la Région VI des Philippines. Elles sont originaires de plusieurs localités des Visayas occidentales (Région VI), qui sont composées des îles de Panay, Guimaras et Negros. Ces jeunes filles sont issues de milieux ruraux, pauvres et marginalisés. Leur vie étant menacée si elles restent dans leur famille et dans leur communauté.
A travers une approche holistique, individualisé et sur le long terme, les filles victimes de violences sexuelles sont accompagnées vers la voie de la guérison et de la résilience en vue de leur émancipation. L’autonomisation de tous les bénéficiaires ainsi que leur rôle en tant que leaders et modèles pour leurs familles, communautés et pour les générations futures sont continuellement renforcés.
Elles deviennent actrices du changement social et de la lutte contre les violences sexuelles afin de briser le tabou du silence et le cycle de la violence.
[Laurence Ligier] En tant que fondatrice, je suis fière de voir les parcours de vie et les succès de nos bénéficiaires qui sont épanouies et qui ont su transformer leurs traumatismes en une force. La nouvelle génération porte l’ADN et les valeurs de CAMELEON, assurant ainsi la prise de relai pour faire perdurer les missions de l’association. En ce sens je suis heureuse de voir que les jeunes, les filles mais aussi les garçons que nous accompagnons dans les villages à travers le parrainage scolaire, portent avec fierté les couleurs de CAMELEON et ont conscience du rôle qu’ils ont à jouer pour casser le cycle infernal de la violence et protéger les enfants dans leur communauté. Ils agissent avec passion et conviction à leur niveau, ainsi que leurs parents qui sont partie prenante et que l’on implique régulièrement dans la mise en place des projets communautaire.
